Après Les Îles Chagos: A Quand Mayotte? Et Si Macron Allait À L’école Du 1er Ministre Anglais ?

Mise en ligne : L'Afrique en marche | 11 octobre 2024 dans Africa UP | Temps de lecture: 5 mins

Après Les Îles Chagos: A Quand Mayotte? Et Si Macron Allait À L’école Du 1er Ministre Anglais ?
L'Afrique en marche

Le nouveau premier ministre anglais, Keir Starmer vient de décider de rétrocéder les Îles Chagos à l’Ile Maurice. Qui dit les Îles Chagos dit Mayotte. Après cette décision anglaise qui est applaudie par les tenants de la décolonisation totale en Afrique, nombreux se demandent à quand le tour de Mayotte retournée un jour aux Comores par la France? Emmanuel Macron ira-t-il à l’école du 1er ministre Keir Starmer ?

Il urge de soulever les couches de poussière sur le dossier Mayotte. Pour cela, il est d’abord d’une impérieuse nécessité de faire une retrospective sur ce dossier.

En effet, le 25 avril 1841, pour écarter le danger des attaques extérieures, notamment comoriennes, le sultan d’origine malgache Andriantsouli cède l’île de Mayotte à la France.

Représentée par le commandant Passot, Mayotte devient dès lors protectorat français et l’esclavage fut aboli dès 1846.

Mayotte est devenue officiellement département de Mayotte et à la fois une région française d’Outre-mer avec une collectivité territoriale unique, dirigée par le conseil départemental de Mayotte.

 

…POURQUOI MAYOTTE EST-ELLE RESTÉE FRANÇAISE APRÈS L’INDÉPENDANCE DES COMORES ?

Le 22 décembre 1974, un référendum sur l’indépendance a eu lieu aux Comores. Trois îles ont choisi de devenir indépendantes. À Mayotte, cependant, 63,8 % de la population a voté pour rester dans la République française.

Le cas de Mayotte est donc un cas de colonisation assumée par la France. En effet, après la demande de protection du sultan Andriantsouli qui cède l’île de Mayotte à la France, la colonisation française s’est poursuivie. Elle s’est étendue ensuite aux autres îles principales de l’archipel des Comores.

Alors que des mouvements d’indépendance émergent après la Seconde Guerre mondiale, des tensions apparaissent entre les populations des différentes îles.

Le célèbre universitaire, Daniel Gros, membre du Gisti parle de : « La fiction de la frontière », au sujet de Mayotte.

Selon lui, Mayotte illustre bien les effets de l’édification des frontières. En effet, en 1975, en violation de la résolution de l’Onu qui refuse de démembrer un Etat avant son indépendance et des conventions internationales, cette île est séparée de l’archipel des Comores, devenu indépendant.

Après ce fait accompli, il faut rappeler aussi en 1995, que la France a décidé que la circulation entre les îles soit entravée par l’instauration d’un visa d’entrée à Mayotte.

Graduellement, la France est passée à une nouvelle étape en 2023 : C’est ainsi qu’elle a décidé d’engager l’opération « Wuambushu »».

Cette opération est menée au nom de : « La lutte contre l’habitat informel, les étrangers clandestins et la délinquance.». Cette logique véhiculée par les « entrepreneurs de haine » a permis de réactualiser leur vieux discours sur la « mahorité ».

Dans l’enchaînement des faits, on assiste à un retour sur ce processus de racialisation des rapports sociaux. Le dossier de non décolonisation de Mayotte soulève de nombreuses questions relatives aux problématiques de frontière, et à la construction mentale d’une altérité ex nihilo qu’elle induit.

 

DESSOUS DE CARTES…

Le dossier de non décolonisation de Mayotte dévoile les thèmes de racisation et de dévalorisation de part et d’autre de la ligne de démarcation. Mieux, il y a des dynamiques de distinction qui se mettent en mouvement selon une logique de la pensée populaire facilement identifiable.

A quoi rime toute cette stratégie française ? On ne doit se tromper, car : « L’édification d’une frontière conduit d’abord à la naturaliser en l’inscrivant dans une histoire ancestrale qu’il s’agit de recomposer.

Ensuite, elle invite à : «Inventer des différences culturelles entre les populations qu’elle sépare, différences magnifiées ou discréditées selon la position des locuteurs en tant que sujets ou objets du discours.», pour reprendre la pensée de Daniel Gros.

Toujours dans l’enchaînement des faits, la non décolonisation de Mayotte met encore l’accent sur : « Des effets qui s’observent a contrario dès que la frontière s’ouvre avec la construction de l’Europe, par exemple. En ce moment-là, la France avait pour ambition de neutraliser les risques de conflit et de former une communauté et une identité européennes.

Conséquence, la frontière séparant Mayotte des Comores engendra des secousses profondes dans chacune des îles de l’archipel, Mayotte incluse.

La manoeuvre française est claire. La frontière instaurée en 1975 – en violation des réglementations internationales –, entre Mayotte, conservée par la France, et les Comores, accédant à l’indépendance, n’affecte pas, dans un premier temps, les circulations traditionnelles sur cette partie de l’Océan Indien.

Cependant, il faudra attendre 20 ans pour qu’à la faveur du « visa Balladur », toute entrée des habitants des autres îles soit soumise à la demande de visa auprès du consulat de France aux Comores.

 

…VERS LA FIN DE LA PARTIE ?

La rareté des délivrances indique qu’il s’agit moins de contrôler les déplacements que de les empêcher. Les entrées se réalisent dès lors de manière clandestine sur les fameux « kwassa-kwassa, » simples embarcations de pêcheurs, surchargées et périlleuses.

Ainsi fut créée, à Mayotte, la classification d’étranger en situation irrégulière (ESI). L’hypothèse selon laquelle les risques inhérents à la traversée entravent les mobilités et incitent les voyageurs à se fixer sur l’île française se confirmerait elle aussi.

Nicolas Roinsard, également un universitaire de renom affirmait ainsi en septembre 2022 que : « À l’époque de l’instauration du visa Balladur, en 1995, il y avait 15% d’étrangers à Mayotte. Aujourd’hui, ils sont 48%.».

Ceux qui se servent de Mayotte pour refuser la décolonisation, vont-ils cesser maintenant de tromper le monde avec des arguments déphasés ?

A l’instar de l’Angleterre de Keir Starmer à peine 1er ministre de son pays en juillet dernier, il urge que la France de Emmanuel Macron libère Mayotte et la retourne à la souveraineté des Comores.

Salifou DIAGNE correspondant en Belgique

Site lafriqueenmarche du 12 octobre 2024 No 743

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