L'Editorial de Murielle MENSAH
La démocratie béninoise est-elle désormais à l’épreuve, suite à la disqualification du parti "Les Démocrates"?
Longtemps présenté comme un modèle démocratique en Afrique de l’Ouest, le Bénin voit aujourd’hui son image sérieusement questionnée à la lumière de récents développements politiques liés au scrutin du 12 avril 2026.
La disqualification du principal parti d’opposition "Les Démocrates" de la course à la présidentielle d’avril 2026, constitue un tournant majeur qui pourrait fragiliser la réputation du Bénin.
En effet, le 23 octobre 2025, la Commission électorale nationale autonome (Cena), a annoncé le rejet de la candidature du duo proposé par "Les Démocrates" (Renaud Agbodjo et Jude Lodjou) au motif qu’il ne disposait pas du nombre minimal requis de parrainages : 28 signatures d’élus, et que 27 seulement avaient été validées.
Le 27 octobre, la Cour Constitutionnelle a confirmé l’exclusion après examen du recours. Suite à ces contingences, le parti et son chef, l’ancien président Boni Yayi, dénoncent une manœuvre politique visant à éliminer l’opposition. Pourquoi cette situation interpelle-t-elle la réputation du Bénin ?
Pendant longtemps, le Bénin était régulièrement cité comme un exemple de transition démocratique réussie en Afrique : alternance pacifique, respect des institutions, liberté des médias.
Cependant, un rapport de l’V‑Dem Institute (2024) indique que :« Le processus d’autocratisation a pris racine au Bénin», mentionnant l’érosion, la restriction de la concurrence politique suite à la disqualification d’opposants déjà en 2021.
...ENTRE LABEL ET DÉGRINGOLADE ?
L'exclusion du duo du parti "Les Démocrates" vient-il renforcer ce constat? Le fait que le principal parti d’opposition soit empêché de concourir, alors même qu’il avait obtenu des sièges aux législatives de 2023, pose la question de l’équité du jeu démocratique. Dès lors, quels pourraient être les effets concrets pour la réputation du Bénin sur le plan démocratique ?
D'abord, il y a la crédibilité internationale. En effet, le qualificatif de "laboratoire de la démocratie" pourrait perdre de sa force avec cette disqualification, car les partenaires internationaux et les organisations de promotion de la démocratie, observeront désormais le Bénin avec plus de prudence.
Parlant d'image régionale et continentale, en Afrique de l’Ouest, où certains pays connaissent des régimes autoritaires ou sont marqués par un semi-autoritarisme, le Bénin qui amoindrissait cette position particulière risque de descendre de son piédestal.
Et parlant d'attractivité politique et civique, cette exclusion donne le sentiment que le jeu politique est verrouillé. L'invocation d’une juridiction ordinaire (tribunal de Cotonou) pour annuler une fiche de parrainage alors que le parti la jugeait incompétente, est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
Considéré comme un "laboratoire" de la démocratie en Afrique, le ton a-t-il définitivement changé avec la montée des lois restrictives et la marginalisation de l’opposition?
Assiste-t-on à une régression silencieuse ou un effondrement brutal, à une érosion progressive de l’esprit de la Conférence nationale?
lafriqueenmarche du 4 novembre 2025 No 1036
