L’actuel président du Cameroun, Paul Biya a failli perdre le pouvoir le 6 avril 1984. Ce jour-là, le No 1 camerounais au pouvoir moins de deux ans plus tôt, a échappé de justesse à un coup d’État.
Avec le crépitement des armes autour du Palais présidentiel, Paul Biya s’est réfugié ce 6 avril 1984 dans son bunker à la présidence de la République.Et ce n’est pas un fait du hasard.
En effet, le président du Cameroun est informé(bien informé depuis quelques jours) d’un coup en orchestration et a partagé certains détails avec son directeur de cabinet, Philippe Mataga.
À Yaoundé, les putschistes, auteurs de la tentative de putsch, sont des officiers de la Garde républicaine, originaires du nord du pays. Les auteurs auraient eu l’assentiment de l’ancien président Ahmadou Ahidjo.
ARTICULATION DU COUP
Dans les grands axes de déroulement du putsch, ses auteurs ont pris le contrôle des points clés de Yaoundé et ont multiplié les arrestations. Le directeur de la Sûreté nationale, Martin Mbarga Nguélé, est notamment arrêté et jeté en prison.
Le domicile du général Pierre Semengue est attaqué, mais le chef d’état-major des armées, blessé, parvient à s’enfuir de justesse.
Au regard du début de succès du coup, pour nombre d’observateurs avisés, l’affaire semble pliée.
TÉLÉPHONE : ERREUR STRATÉGIQUE
Malheureusement, les putschistes ont commis la maladresse de laisser le réseau téléphonique fonctionner.
En effet, pour avoir ignoré l’importance de la totale maîtrise des canaux de communication ( en laissant le réseau téléphonique jusqu’à 10 heures du matin), les auteurs du coup l’ont payé cash.
Les loyalistes de Paul Biya parviennent à appeler du renfort. Peu à peu, la riposte s’organise, notamment sous l’égide du général Semengue, revigoré par les renforts venus par la route d’Ebolowa.
CONTRE-OFFENSIVE ET CONSÉQUENCES
Avec l’appui des troupes venues de l’intérieur du pays, les troupes loyalistes ont pris l’avantage. Elles desserrent finalement l’étau putschiste, et vont jusqu’à reconquérir les accès au Palais présidentiel. Paul Biya a pu donc sortir de son bunker. Le général Semengue qui a fait échec au coup, fier du travail abattu dit au chef de l’État: « J’ai fait mon travail. Reprenez le vôtre.»
Paul Biya a compris le message du général/ bouclier. Il dissout aussitôt la Garde républicaine et ordonne des enquêtes sur les événements.
Du 27 avril au 30 avril 1984, un tribunal militaire « expéditif » a condamné 35 accusés à la peine de mort. Ils ont été exécutés quelques jours plus tard à Mbalmayo au nom de la justice pour les dizaines de morts militaires et également civils (dans les dégâts collatéraux).
Ahmadou Ahidjo, le prédécesseur de Paul Biya en exil, est accusé d’avoir été le cerveau de l’opération et est lui aussi condamné à mort, par contumace.
Ahidjo ne reverra jamais le Cameroun. Même après sa mort, c’est le Sénégal qui a accueilli ses restes jusqu’à ce jour.
BIYA : PRÉSIDENT DÉSORMAIS AVERTI
Après ces contingences survenues, Paul Biya a décidé de réformer son armée et de s’éloigner du traditionnel allié français, jugé complice.
Il a décidé de se rapprocher d’Israël. La face du pays venait de changer durablement.
Ce coup d’Etat qui a foiré a été un épisode qui a profondément marqué et qui continue d’influencer ses stratégies politiques de maintien au pouvoir chez Paul Biya, déjà très stratège devant l’Éternel.
Pour rappel, la veille du coup, le prudent chef de l’État a même éloigné de la capitale, Yaoundé, sa femme, Jeanne-Irène, et son fils, Franck.
Ceux-ci ont été emmenés à bord d’un hélicoptère piloté par le capitaine Joseph Feutcheu vers le palais présidentiel de Kribi, dans le département de l’Océan.
Ils y ont passé la nuit et en sont repartis tôt le lendemain pour se cacher en forêt.
Didier EBONGUE
Correspondance particulière depuis Yaoundé
Site L’Afrique en marche du 12 mai 2024 No 640