A l’étage décisive du second tour des législatives du 7 juillet 2024, le RN est passé du 1er au 3 ème rang. Une position qui consacre sa défaite, car il n’a ni eu la majorité absolue ni la majorité relative. Entre autres raisons de cette défaite, la question des binationaux et le concept du droit du sol ont certainement fait boule de neige.
Au sujet de la fin du droit du sol et des attaques contre les binationaux, le RN a prôné la « préférence nationale ». Que cachait cette tendance ?
La préférence française visait seulement à articuler un double agenda xénophobe et néolibéral de la part du RN.
A la question : « Qui est vraiment Français?», Jordan Bardella s’il parvenait à Matignon avait une arme de division massive du peuple français.
Avec sa « préférence nationale », le RN allait articuler son double agenda néolibéral et xénophobe.
En effet, en promettant des attaques sans précédent contre les immigrés, le parti d’extrême-droite cherchait d’abord à accentuer les divisions au sein du monde du travail.
TENDANCE NATURELLE…
Lors de la campagne du RN, la « préference nationale » est lié à un programme du parti. Elle est comme une colonne vertébrale de son option xénophobe.
Ensuite, il y a les surenchères sur la binationalité. Et sans retenue, le RN agitait un projet de réforme constitutionnelle visant à
supprimer le droit du sol. Mieux, ce parti avait dans son escarcelle la suppression de l’aide médicale d’État (AME), interdiction de l’accès au logement social à des familles immigrées, conditionnalité du versement de certaines prestations sociales aux personnes de nationalité française etc.
On a encore en souvenir Jordan Bardella lors de la présentation du programme du parti d’extrême droite pour ces élections législatives. A cette occasion, il a insisté à nouveau sur cette option. Face à une : « situation budgétaire dégradée », au déficit et à la dette publique, le ‹ sérieux budgétaire » passera notamment au travers des mesures visant à réduire les droits des étrangers et à en réserver certains à ceux ayant la nationalité française.
Au RN, la xénophobie et le néolibéralisme ont été les deux faces de la « préférence nationale »
Ce narratif classique de l’extrême droite, cherche à faire peser sur les immigrés, la dégradation massive des services publics et sociaux. L’option RN tendait à occulter volontairement les causes réelles de la dégradation de vie en France à savoir, les 40 années de politiques néolibérales qui ont procédé au démantèlement et à la désertification des services de santé, d’éducation, de transports et de protection sociale.
Pour cause, le RN n’entend pas rompre avec ces mesures qui ont entraîné la paupérisation de larges couches de travailleurs, dont une partie forme aujourd’hui la base électorale populaire de ce parti de Marine Le Pen.
…A LA XÉNOPHOBIE DU RN
La mue néolibérale du RN à mesure qu’il s’approche du pouvoir signe un retour progressif aux préconisations économiques ultra-libérales autrefois portées par le Front national ( Ancien nom du parti), tout en les articulant à des mesures xénophobes.
De ce point de vue, dès sa conceptualisation par l’extrême droite française dans les années 1980, le principe de « préférence nationale » avait déjà pour justification économique la réduction du déficit et de la dette publique.
Déjà à l’époque, outre les arguments culturalistes de « chocs des civilisations », la « préférence nationale » était présentée comme un moyen de mener les politiques néolibérales qui permettraient à la bourgeoisie à échelle internationale de restaurer son taux de profit.
En somme, le RN a cru qu’avec la xénophobie, il avait son arme politique de division massive, celle de faire des immigrés et de leurs enfants des boucs-émissaires.
Ces clichés s’accompagnent d’un sentiment d’injustice qui sont souvent racialisés avec la croyance selon laquelle la puissance publique privilégierait les « immigrés » et les « étrangers » dans l’octroi des aides sociales.
La dangerosité du principe de préférence nationale est qu’elle peut donc s’étendre y compris à des personnes disposant de la nationalité française ou pouvant normalement y prétendre dans le cadre actuel.
En filigrane, le RN ne visait donc pas seulement les immigrés « primo-arrivant » mais également les enfants d’immigrés nés en France et qui disposent de la nationalité française ou sont en passe de l’obtenir. Or il n’est pas difficile d’imaginer que derrière, ce sont bien les Français issus de l’immigration en général dont une grande partie habite les quartiers populaires qui sont pris pour cible par le RN. C’est la logique y compris du projet de réforme
Supprimer le droit du sol qui pourra priver de nationalité française des jeunes nés en France de parents immigrés, scolarisés en France et n’ayant connu que ce pays.
Le RN a mis trop de poudre dans la cartouchière. Et comme le dit l’adage : « Qui s’y frotte s’y pique…»
Jerry KABULO chercheur, socioanthropologue et spécialiste des classes sociales
Site lafriqueenmarche du 10 juillet 2024 No 693