Lisez ci-dessous, la 3 ème partie de l’interview réalisée avec Galiou Soglo. Dans cette partie, il a analysé les tenants et aboutissants de cette crise. Pour un heureux dénouement de cette dernière, il faut selon lui des médiateurs. Le trader de profession en cite deux.
Monsieur le ministre, toujours sur le volet de la crise Niger-Bénin, le président Talon n’a-t-il pas raison de faire le lien entre la frontière et le pipeline? Si vous refusez que votre frontière soit ouverte, donc ne comptez pas sur nous pour le pipeline. Est-ce qu’il n’y a pas une logique qui se dégage ?
Galiou Soglo :
Mettez-vous à la place, comme je le dis, mettez-vous à la place de la partie nigérienne. Elle peut se dire, à tort ou à raison, que si elle ouvre sa frontière, elle peut subir peut-être une déstabilisation en provenance de notre territoire. Après les propos belliqueux qu’a tenus le président Talon mettez-vous à leur place.
Maintenant, en ce qui concerne le pipeline, c’est une affaire, je dirais, privée. Et je ne suis pas à la place du président Talon, je ne suis pas chef de l’État. Mais si réellement les recettes, comme vous dites, fiscales du pétrole allaient réellement dans les caisses de l’État béninois et donc touchaient l’ensemble de nos compatriotes, je pense qu’on pouvait attendre du président Talon, eu égard à la situation économique défavorable que vit notre pays aujourd’hui, de se dire, ces recettes vont aller au budget national.
Est-ce que c’est le cas ? On verra dans la Loi de finances. Je ne sais pas si aujourd’hui les profits du coton vont ou rentrent dans les caisses de l’État, comme c’était le cas à l’époque du président Soglo et dans une moindre mesure des précédents gouvernements, du président Mathieu Kérékou et du président Boni Yayi. Je n’en suis pas si sûr.
Donc, oui, vous avez raison peut-être de signifier, la partie nigérienne ne veut pas ouvrir ses frontières. Moi, je bloque l’acheminement du pétrole sur mon sol. Comme je vous le dis, il faut dissocier les deux.
C’est ce que je pense. Maintenant, je ne suis pas aux affaires, mais je crois que, eu égard à la situation qui prévaut, on va peut-être y revenir par rapport à la vie chère, par rapport à tout ce qui touche à nos populations. Ces recettes fiscales auraient été bienvenues pour notre pays.
Monsieur le ministre, avez-vous lu le protocole d’accord du 23 janvier 2019 qui stipule l’Accord bilatéral relatif au pipeline ?
Non, je ne l’ai pas lu. Alors, la réalité, c’est que ce que moi j’en entends, c’est surtout de la partie nigérienne.
A chaque fois qu’il y a un noeud gordien, comme on dit, les Nigériens viennent à la télévision et lisent.
Et donc, dans cette disposition, on est un peu surpris. Parce que même dans le cas de figure des ressortissants qu’on a arrêtés, quand vous entendez la partie nigérienne, elle dit quoi ?
Que dans les dispositions, il est prévu que toutes les parties puissent contrôler le flux du pétrole qui sort du pipeline. Donc, à moins qu’ils nous mentent, à ce moment-là, le porte-parole du gouvernement devra apporter un éclairage substantiel sur cette question.
Rappelez-vous qu’il n’y a pas si longtemps, un président d’Afrique centrale, en l’occurrence le président congolais, Pascal Lissouba rappelait que quand ELF pompait le pétrole à Brazzaville, il ne savait même pas combien de litres étaient acheminés vers les tanks pétroliers qui prenaient le pétrole. Et donc qu’on volait son pays.
Aujourd’hui, il y a de nouvelles dispositions, on est 40 ans plus tard, et c’est pour ça que je pense que 40 ans plus tard, les choses ne sont plus les mêmes.
Les gens veulent aussi contrôler et ne pas se laisser léser par qui que ce soit. Donc, vous avez raison, je pense qu’il faudrait qu’on ait un éclairage de la part du gouvernement.
Êtes-vous sceptique par rapport à l’issue de cette crise entre le Niger et le Bénin?
Quant à l’issue, je croise les doigts. Mais comme je le dis, il faut pouvoir envoyer les bonnes personnes pour une médiation entre les deux pays. Aujourd’hui, la confiance est rompue de part et d’autre.
Comment pouvons-nous faire ? Qui a la stature suffisante? Je vous pose la question, pour pouvoir aller à la fois en tant que sage voir les autorités nigériennes et le président Talon ? En fait, je n’en vois que deux au Bénin.
Le président Soglo et le président Boni Yayi. Je n’en vois pas plus. Après, le président Talon peut envoyer ses émissaires, mais je pense que là où on en est, il faudrait mettre la balle à terre.
Et je pense que si le président Soglo ou le président Boni Yayi allait voir les autorités nigériennes, elles les écouteraient avec respect du fait de l’âge et des fonctions qu’ont occupées ces deux personnalités. Mieux, les autorités du Niger trouveraient du crédit dans leurs propos.
Donc, je pense que quelque part, il serait utile que cette disposition puisse être prise en compte par nos autorités.
Monsieur le ministre. Nous allons changer de thématique et aborder la tournée gouvernementale. Depuis environ deux semaines, tout l’appareil d’État, les membres des partis politiques sortent et expliquent aux populations tout ce qu’ils ont fait depuis huit ans, à un moment où les populations semblent avoir d’autres priorités. Est-ce que vous pensez que cette tournée d’abord dans sa forme est opportune ?
Écoutez, vous me faites sourire, parce que, comme je l’ai dit il y a quelques semaines de cela, le président Talon, pour ma part, s’apprête à se représenter en 2026. Donc, ceci explique peut-être cela.
Vous en avez les preuves ?
Mais j’aimerais quand même rappeler un certain nombre de choses, parce que j’ai écouté beaucoup de choses. Et nous avons un devoir de mémoire vis-à-vis de nos populations et surtout des plus jeunes, ceux qui n’étaient pas encore nés ou qui venaient juste de naître quand nous avons connu la Conférence nationale.
Quand j’entends certains députés, dont je ne mentionnerai pas le nom, ou de responsables politiques, tenir ce genre de propos, je me dis(…).
Vous parlez de quels propos, Monsieur le ministre?
Ceux relatifs au maïs qui a diminué, parce qu’il a les poules ou ceux de la vice-présidente de la République…moi, je n’en reviens pas.
Je ne vais pas être arrogant ni méprisant, mais il faut savoir se respecter. Quand tant des nôtres ont fait en sorte qu’aujourd’hui le chef de l’État puisse être au pouvoir en 2016, qu’ils vous souviennent, Marcel, que bon nombre de Béninois sont morts dans les années 80 pour qu’on en arrive à la Conférence nationale.
Je dis souvent, sans minimiser l’importance d’autres personnes, mais pas hiérachisation, il y a trois personnes qui symbolisent la Conférence nationale. Le président Mathieu Kérékou, parce qu’il a accepté les conclusions de la Conférence, alors que dans d’autres pays, on a vu que ça s’est très mal passé. Ensuite, il y a Mgr de Souza, qui représentait l’Église catholique et qui a été d’un courage. Et Nicéphore Dieudonné Soglo, qui a été nommé 1er ministre par acclamation, parce que, rappelez-vous, quand aujourd’hui, on nous vante les louanges du gouvernement Talon, je dis quand même, vous savez, je vais peut-être hérisser les poils de vos cheveux, mais je considère que le père du Bénin moderne, c’est Nicéphore Dieudonné Soglo, nonobstant tout ce qu’on peut penser de lui.
Vous vous rappelez dans quelle situation de quasi-faillite était notre État ? Les trois banques, la BCB, la BDD, la CNCA, ont fait quasi faillite. Mieux, plus de 200 entreprises publiques ont fait quasi faillite. Le pays avait près de 600 milliards de francs CFA d’arriérés avant dévaluation. Il a fallu remettre le pays au travail.
Et Nicéphore Dieudonné Soglo l’a fait avec des compatriotes, des nationaux, des Béninoises et des Béninois et non pas des martiens.
Le travail qu’il a abattu a permis de passer de moins 3% à 6%. Quand aujourd’hui, j’entends le gouvernement se gargariser en disant vous voyez ce qui a été fait, personne ne l’a fait au Bénin, c’est insulter le peu d’intelligence que nous avons.
D’abord, je tiens à rappeler à ceux qui disent ça que peut-être qu’ils ne sont pas des économistes et donc je les excuse. Mais vous ne pouvez pas comparer une situation qui prévalait il y a plus de 35 ans. C’est comme si vous compariez Pelé à Messi.
Mais les gens s’accordent à dire que Pelé malgré le football d’avant reste Pelé. Donc Nicéphore Dieudonné Soglo reste Nicéphore.
Propos recueillis par Marcel ZOUMÈNOU et.Titus FOLLY
(…). La suite de l’interview dans notre prochaine publication.
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Site lafriqueenmarche du 12 juin 2024 No 669