Dans cette 6 ème partie, Galiou Soglo poursuit le décryptage de la gouvernance de la « Rupture ». Lisez ci-dessous ses propos.
Je voudrais savoir vous qui aviez été membre d’un exécutif quand est-ce qu’un gouvernement peut faire une tournée pour se promouvoir ?
Vous savez, je crois que la période électorale est là pour ça. Un gouvernement travaille. Quand vous travaillez, vous n’avez pas forcément besoin d’emmener vos équipes deux ans avant la fin de votre mandat et commencer à crier en disant: « Vous voyez ce que nous avons fait.».
Si vous le faites, c’est que vous savez qu’ il y a quelque chose qui ne va pas. Si les gens sont bien, s’ils sont à l’aise, alors pourquoi vous n’attendrez pas simplement les élections pour dire : « Voilà notre bilan. Voilà ce que nous avons fait.».
Mieux, écoutez, ils disent déjà : « On va continuer avec quelqu’un de notre camp..».
Et pour continuer, on a donc trouvé quelqu’un par extraordinaire dans une assistance qui nous dit : « Ah, la voie d’Allada n’est pas faite, il faut absolument que le président Talon reste là pour la faire…».
Donc, vous voyez, les gens sont prêts à tordre le cou à leurs propres lois simplement parce qu’une voie n’a pas été faite.
Quand j’entendais certaines personnes dire qu’il n’y a que le président Talon pour gouverner ce pays, vous pensez que moi, je suis incapable de gérer le Bénin et que d’autres sont incapables de diriger ce pays ?
C’est quand même se moquer des gens. Quand même on t’a fait confiance en 2016. On ne t’a plus fait confiance en 2021, (ça c’est mon point de vue), est-il normal de penser que parce que tu es président de la République, on est le plus intelligent de la planète ou de son peuple? Je pense que c’est dangereux.
Vous savez, le président Nicéphore Soglo avait gagné les élections de 1996 tout le monde le sait. Mais à l’époque, la FrançAfrique était forte. Ils ont changé le résultat. Mais je préfère voir mon père vivre tranquillement chez lui. Aujourd’hui, il est aimé de ses concitoyens.
Excusez-moi d’évoquer le cas du président Macky Sall. 48 h après la
défaite de son camp, il a pris son avion pour aller vivre au Maroc.
Quand on est président, il faut bien faire ton travail. Si tu n’as pas volé, tu n’as pas détourné, tu n’as pas fait du mal aux gens, si tu n’as pas tué des gens tu n’as pas mis des gens en prison de façon totalement arbitraire parce que des gens ont eu le malheur de te contredire, c’est de ça dont il s’agit.
Comme le disait ma mère tant que tu n’es pas en situation, tu peux parler. Le jour on vient tirer sur ta femme, tes enfants, tu vois les choses différemment.
Les gens font économie de certaines choses et c’est pour cela, que je tiens à rappeler l’une des décisions majeures de la Cour africaine des droits de l’Homme qui rappelle le consensus national. C’est très important le consensus national. C’est ce qui fait que vous et moi à l’époque, on pouvait être RB, PRD, PSD, FCBE et j’en passe.
On faisait nos élections. On se chahutait.Et le génie béninois nous triomphait toujours..
Aujourd’hui, on vous fait croire que soit-disant, on fait des réformes. Des réformes pour qui? Les gens ploient, je dis bien les gens ploient sous le coup des impôts et des taxes.
Mais allez demander à nos PME et PMI dans notre pays ce qu’elles vivent au quotidien. Le nombre de taxes et d’impôts qu’on a créés.
Dans le même temps, les grandes entreprises font ce que j’appelle « Optimisation fiscale ». Elles ne paient pas d’impôt au Bénin. Ces entreprises sont pour la plupart soit à Philadelphie ou aux Seychelles.
Quand on fait l’évasion fiscale, vous ne pouvez pas demander à votre peuple d’accepter de faire des efforts quand vous-même, vous n’en faites pas.
Voyez-vous, il faut une justice sociale. Vous ne pouvez pas dans le même temps, taire combien sont payés nos ministres, nos directeurs de société dans une opacité totale et demander à votre peuple de faire d’efforts.
Vous voulez qu’ils fassent comme votre père Nicéphore Soglo qui a publié son salaire dans le Journal officiel ?
Je dis: « Oui ». Je pense que c’est juste de le faire si vous voulez que le peuple vous accompagne dans vos réformes.
On dit souvent que les gens savent que ceux qui les gouvernent ont déjà des privilèges, mais ils veulent avoir aussi le sentiment que ces gouvernants partagent aussi leur quotidien et leurs souffrances.
En clair, la mutualisation des efforts doit être partagée par tout le monde.
Ce n’est pas normal que certains profitent et que d’autres souffrent. C’est dommage de constater qu’on s’en fiche des plaintes et des lamentations du peuple. Ce n’est pas possible.
Au sujet de la vie chère, depuis des mois, tout le monde a vécu la flambée des produits de première nécessité. Comment peut-on l’expliquer ?
On constate effectivement la flambée des denrées de première nécessité. Quand on vous dit qu’il a
surproduction, qu’est-ce qu’amène la surproduction d’un produit quel qu’il soit ?
Cela veut dire qu’à un moment donné, on était à 100 tonnes et après, on passe à 200 tonnes. Normalement, d’après vous, si on a surproduction, cela doit faire baisser le prix. C’est la loi de l’offre et de la demande.
Vous êtes d’accord avec moi que la loi de l’offre et de la demande devrait faire que quand nos produits de première nécessité augmentent, le prix doit baisser. C’est un mécanisme classique.
Donc, on nous dit que tous nos produits de première nécessité
ont pratiquement doublé On se frotte les mains. On se dit que nos paysans travaillent bien. Alors qu’on s’attendait à bénéficier d’une diminution des prix, à notre grand étonnement, on voit les prix qui doublent.
Comment vous l’expliquez ?
Quand on a parlé de subvention des intrants, moi j’ai rigolé parce que dans d’autres pays de la sous-région, les gens on dit on subventionne c’est-à-dire qu’on a dit le prix du maïs, le prix du mil ou du sorgho. Tous ces prix ont effectivement baissé.
Ici au Bénin, si c’était le cas, le consommateur, c’est-à-dire vous et moi sans oublier la population devrions automatiquement sentir les dividendes de la subvention.
Qu’est-ce qu’on fait au Bénin? On ne subventionne pas ?
On dit on va subventionner les intrants, mais on subventionne les intrants en étant juge et partie.
Sachez-le, c’est une entreprise d’un individu qui se subventionne lui-même d’abord. Quand on subventionne les intrants, c’est que vous vouliez que cela ait un impact sur le prix des produits de première nécessité.
Monsieur le ministre, ceux qui mettent en avant, l’impact géopolitique de la guerre Russie-Ukraine n’ont-ils pas raison?
Non je ne le pense pas. Dans le monde, les grands producteurs surtout de maïs dans le monde sont les États-Unis, la Chine, le Brésil et l’Ukraine.
Les États-Unis sont le premier producteur mondial Aux États-Unis d’Amérique, quand leur production a explosé, le prix du maïs a chuté à telle enseigne que les silos de stockage de maïs sont en surabondance aux États-Unis.
C’est la même chose avec le Brésil qui a vu sa production de maïs exploser. Ce qui lui a permis d’exporter sur la Chine.
Le seul bémol, c’est l’Ukraine, mais là encore, le prix n’a pas explosé du fait de la guerre, car les canaux de distribution se sont trouvés à être détournés.
C’est classique du fait de la guerre, cela a eu un impact sur le prix du maïs en Europe, mais pas tant que ça.
En dépit de tout, le prix du maïs au niveau mondial a chuté. Dès lors, on ne comprend pas quelle est la spéculation qui est faite sur le maïs béninois. En tant qu’économiste, moi je dis qu’il y a de la spéculation sur ce produit. Ici, qui en profite?
Vous m’aviez posé la question tout à l’heure. On s’accorde tous à dire et à reconnaître que rien ne se fait sans l’accord du président de la
République. Tout le monde nous dit que pour acheter même un papier toilette qu’un ministre n’a pas le droit de commander.
Alors, qui peut croire à cette thèse de la production avicole ou du Nigéria ou du Togo. Même au Togo, vous avez vu toutes les mesures qui ont été prises par rapport à la cherté de la vie. En Côte d’Ivoire, cela a été la même chose.
Le cas du Nigéria est totalement différent, car le président Tinubu en arrivant au pouvoir a pris des mesures qui ont fait chuter le naira et nous savons tous ce qui s’est passé.
Le président Tinubu a abandonné la subvention sur le carburant en faisant la guerre à la Banque centrale. Bon, on a vu l’impact que ça a eu sur leur monnaie. Donc, ça n’a rien à voir.
Les autres pays (Togo et Côte-d’Ivoire), nous ont montrés de façon pérenne qu’on peut prendre en charge les factures d’électricité et d’eau.
- Propos recueillis par Marcel ZOUMÈNOU et Titus FOLLY
Site lafriqueenmarche du 24 juin 2024 No 679