Dans cette 5 ème partie de l’interview, Galiou Soglo analyse le renchérissement des prix et la récente tournée gouvernementale. Par rapport à cette dernière actualité, on n’est pas en période électorale pour faire ce genre d’exercice.
Pour lui, la tournée gouvernementale vise la réélection du président Talon en 2026. Lisez ci-dessous ces propos.
Liez-vous la cherté des prix des produits de 1ère nécessité à la politique agricole en cours au Bénin?
Galiou Soglo : Pendant cinq ans, vous avez vu j’étais dans ma plantation. Je travaillais donc je connais le dur labeur des paysans. Quand vous allez voir les paysans, ils vous disent, mais nous on a rien gagné, car ce sont les intermédiaires qui ont gagné de l’explosion des prix des produits de première nécessité. Et il faut avoir le courage de le dire. Les intermédiaires le sont avec l’aval et le plein gré de nos gouvernants.
Quand on dit que la production avicole est à la base du renchérissement des prix . Non, c’est tiré par les cheveux. Ecoutez, c’est si dramatique qu’on nous sorte comme excuse cet argument.
Un gouvernement est là pour vous aider et à trouver des solutions. Comme je vous le dis, comparaison n’étant pas raison, mais qui a créé l’Onasa ?
Elle a été créée par décret en 1993 sous la présidence de Nicéphore Soglo.Elle a été prolongée jusque sous le présidence de Boni Yayi. Elle faisait la soudure. Bon on a enlevé l’Onasa.
De toute façon, je ne
suis pas surpris puisque vous voyez quand ça intéresse des gens, on rappelle un certain nombre de choses. Moi, j’aimerais rappeler les propos d’un imminent personnage politique qui disait : « Si vous avez des commerçants à la tête de votre État ne venez pas vous plaindre donc…». (1).
Quand vous prenez les statistiques du ministère de l’Agriculture, tous les produits de première nécessité ont pratiquement doublé. Pour le maïs entre 2022 et 2023, on a une augmentation de près de 27,3 %. On a près de 30 % d’augmentation donc. Il y a quelque chose qui ne va pas. Les tubercules, c’est la même chose.
En huit ans, est-ce que vous pensez que le bilan est négatif? Ne trouvez-vous pas au moins des aspects positifs dans la gouvernance?
Il y a la digitalisation de l’administration. Cependant, ce n’est pas une trouvaille, car il y a 30 ans de cela, on avait pas Internet. Donc, vous applaudissez quelque chose qui existe déjà.
En ce qui concerne les
voies, moi je veux bien mais je suis un citoyen qui paye des impôts. Combien coûte le kilomètre de voie que nous voyons aujourd’hui?
Moi, j’ai assez de données précises par rapport à d’autres pays. Vous savez d’après nos investigations, il semblerait que le
kilomètre au Bénin est deux fois plus cher qu’au Togo et en Côte d’Ivoire.
Maintenant, j’attends à ce que le ministère des Transports vienne démentir ou confirmer.
Toujours est-il que nous ne savons pas combien ça coûte comme nous ne savons pas quels sont les salaires des ministres ou du président de la République.
Vous voyez, il y a une certaine opacité que nous regrettons. Mais c’est normal. C’est un plan savamment mis sur pied. Quand l’autre parlait de : «…Ruse et de la rage.», on a eu finalement eu un
Parlement monocolore en 2019, Parlement qui est à mes yeux
antionstitutionnel par les lois qu’elle a promulguées et votées.
Rappelez-vous que quand le président Talon était candidat, il a saisi la Cour africaine des droits de l’Homme. A ce moment-là, il était bon de saisir la Cour africaine des droits de l’Homme contre le gouvernement du président Boni Yayi.
Cette même Cour a
statué en disant que les lois sur lesquelles vous vous appuyez pour les élections ne sont pas conformes, car vous ne pouvez pas changer la loi six mois avant une élection.
En dépit de tout, on l’a fait en plein processus électoral ça n’a gêné personne. On a foulé au pied les décisions de la
Cour africaine des droits de l’Homme et rappelez-vous que quand ça n’a pas plu à notre président, mais il a sorti notre pays le Bénin de la Cour africaine des droits de l’Homme.
Ce que nous regrettons, c’est que les décisions sont prises aux antipodes de la loi. C’est-à-dire que quelqu’un qui est au pouvoir aujourd’hui prend une décision pour lui et non pas pour le Bénin. On a vu tout ce qui a conduit aux lois que ce Parlement a
votées jusqu’à présent alors que la Cour africaine a statué en
disant il faut revenir à la Constitution de 1990 et à la loi électorale de 2013.
Malheureusement, quand ça ne va pas dans le sens de nos gouvernants, ils sortent de cette institution et nous disent d’aller regarder ailleurs.
Voilà, je crois que les gens ont de la mémoire pour leur rappeler tous leurs actes.
S’agissant de la tournée gouvernementale, on voit les ministres et les députés qui
expliquent comment ils ont travaillé depuis huit ans. Certains y voient une occasion de dialogue avec la population. Pour d’autres, ceux qui nous dirigent sont en déphasage avec la réalité. Quel est votre avis sur la tournée gouvernementale ?
Je ne vais pas dire comme beaucoup dans le Bénin profond contre ceux qui nous gouvernent dont les propos font sourire.
C’est vrai que quand vous écoutez nos populations, elles sont aujourd’hui malheureuses, car elles souffrent et se plaignent.
Vous savez, ce genre de tournée gouvernementale pour moi, c’est un aveu d’échec. On n’est pas en période électorale pour faire ce genre d’exercice. C’est parce qu’on se rend compte qu’on est dans le mur donc on vient réaffirmer ce que les gens savent déjà.
Les gens savent déjà que les voies qui ont été faites. Cependant, nous n’avons pas la même notion de paradigme économique.
Pour moi qui viens d’une génération d’économistes qui considère que le
développement commence par le capital humain, cette tournée est en déphasage.
Le capital humain c’est qui? C’est la femme. C’est l’homme. Ce sont
les enfants. Qu’est-ce qu’ils mangent ? Est-ce qu’ils mangent à leur faim? Est-ce qu’ils sont bien vêtus? Est-ce qu’ils
sont bien soignés avant de penser aux infrastructures. Ces dernières viennent après.
Je vais vous le dire. Pour certains financiers, investir dans le capital humain, ce n’est pas rentable. Investir dans l’éducation dans la santé pas dans des hôpitaux
faramineux mais dans des hôpitaux à taille humaine comme ce que Cuba a mis en place.
Investir dans le capital humain, ça vous prend 10 ans 20 ans. C’est pas quelque chose qui est tangible tout de suite alors que les financiers veulent un retour sur investissement le plus rapide possible.
C »est pour cela que les financiers investissent dans les infrastructures. Moi ce qui me fait sourire, c’est que les mêmes qui viennent applaudir les infrastructures, critiquaient les autres.
Vous voyez, j’ai été abasourdi par un journal et pas des moindres. Il s’agit d’un journal français qui ventait tant les mérites du président Macky Sall du Sénégal.
Le jour où il a quitté le pouvoir, ce sont les mêmes qui ont dit : « Vous voyez, il a manqué à la présidence de Macky Sall, le soin de se préoccuper des Sénégalaises et des Sénégalais qui eux-mêmes prenaient la route de l’exil en nombre.».
Vous savez, cet exercice d’aller pour parler, vous et moi savons comment cela se passe. J’ai été député. J’ai été ministre et surtout je suis le fils d’un ancien président de la République. Je sais comment cela se passe. Les gens qu’on autorise à prendre la parole, sont ceux qui sont déjà débriefés avant.
On connaît tout ça. On veut surtout pas donner la parole à des gens qui vont dire : « Ecoutez, moi je n’ai pas mangé depuis 24.».
J’ai écouté l’un de ceux qui faisait partie de la « Rupture ». Il s’agit de l’ancien ministre des Sports, qui lui-même reconnaissait à Lokossa qu’il a manqué de social.
Je le répète ne faisons pas économie de vérité Cotonou s’appelait « Cototrou » avant d’être
appelé « Coto pavé ».
Vous voyez, chaque personne fait à son époque avec les moyens qu’il a. C’est de ça dont il s’agit.
Aujourd’hui, ils font cette tournée gouvernementale où on arrête le fonctionnement de l’État pendant des semaines.
C’est pour préparer comme je vous l’ai dit la réélection du président Talon en 2026. Mais je pense que ça ne sera pas aussi facile qu’on le
pense. C’est mon opinion.
Propos recueillis par Marcel ZOUMÈNOU et Titus FOLLY
(1)- Allusion à Adrien Houngbédji qui en 2016 était opposé à la candidature des opérateurs économiques. N’y
Site lafriqueenmarche du 18 juin 2024 No 675