Nicéphore Soglo : Une Bougie Délocalisée

Mise en ligne : L'Afrique en marche | 28 novembre 2024 dans L’Editorial de Titus FOLLY | Temps de lecture: 6 mins

Nicéphore Soglo : Une Bougie Délocalisée
L'Afrique en marche

L’Editorial de Titus FOLLY

Nicéphore Soglo souffle une bougie de plus ce vendredi 29 novembre. Cette année, je ne vais plus entretenir la polémique relative au coup de l’administration coloniale contre le pourfendeur de la FrançAfrique qu’il était depuis sa jeunesse. Sourire. Officiellement, cette année, en dépit cette coupe-sombre par rapport à son acte de naissance, Nicéphore Soglo fête 94 ans.

Cette année, Nicéphore Soglo n’est pas au pays pour recevoir l’immense foule d’hommes politiques, de diplomates étrangers, de proches familiaux et d’anonymes. Il est toujours à Paris où il fait son check-up annuel depuis le dimanche 15 septembre dernier.

Si à Paris ses proches sont euphoriques, ceux de Cotonou font naturellement grise mine, car pour la première fois depuis 21 ans, leur leader charismatique ne sera pas là.

 

DEUX MARQUEURS EN UN AN…

En dépit de la valeur du thermomètre aussi bien à Paris qu’à Cotonou, et si on revenait sur les deux grands marqueurs de Nicéphore Soglo de 2023 à 2024.

Dès l’entame de l’entretien, Nicéphore Soglo plante le décor : « Cette année, comme je poursuis mon check-up à Paris, je fête donc ici.».
Après l’avoir écouté, je dis à mon tour : « Fêter à Paris pour le bonheur de Lehady éloigné de vous depuis sept ans pour des raisons politiques…».

Le président Soglo sourit et reprend la parole : « Titus a toujours ses formules. Oui Lehady sera là. Cependant, il ne sera pas seul. Il y a également Galiou sans oublier mes petits-fils..».

Le président Soglo détaille encore : « Au-delà de mes enfants et de mes petits-fils, je serai avec des camarades de promotion des deux célèbres universités où j’ai fait. J’aurai donc des camarades de Harvard (USA) et de Sorbonne(France). Ils seront là sans oublier mes filleules, filleuls et des anonymes pour rester dans la tradition de mon épouse de lumineuse mémoire…».

« Vous avez du beau monde pour réaffirmer vos idéaux fondateurs…», dis-je encore.

Le président Soglo fait encore savoir : « Cette année, la médecine m’oblige à rester à Paris Je n’ai pas fini mon check-up.
Quand tu me raccompagnais avec les autres membres de mon cabinet au salon d’honneur à l’aéroport de Cotonou en septembre dernier, j’étais persuadé que le retard accusé pour être à Paris, allait peser. D’habitude, les années antérieures, je partais en juillet. Cependant, suite au décès de mon jeune frère Saturnin en juillet dernier, il fallait finir les obsèques avant de rejoindre Paris…».

Je lui rappelle : « Vos invités de marque les années antérieures à la Haie-vive à Cotonou, auront les yeux vers Paris avec une jouissance mélancolique…».

Le président Soglo précise encore : « Ce que je ne cesse de dire à Cotonou à chaque anniversaire, je vais le répéter ici aussi…».

De 2023 à 2024, quels ont-été les grands marqueurs chez Nicéphore Soglo?

De Cotonou à Paris, Nicéphore Soglo aura le partage d’expériences, d’enjeux et d’évenements transmis pour la postérité.

 

…OPTIMISME D’UN PATRIARCHE

Le premier des marqueurs, c’est son optimisme exceptionnel.

En effet, en dépit de provenances diverses, de contextes sociaux multiples, de différentes sensibilités des auditoires, Soglo a davantage affiché durant un an, son optimisme de grand format d’antan. Comme à l’allure de Martin Luther King, sa source iconique, il n’a cessé de répéter : « Nous allons vers la terre promise.».

En effet, l’optimisme de Soglo est aux antipodes du pessimisme nocif avec ses grands effets.

Son optimisme est comme une pièce irremplaçable de la mosaïque. Son optimisme et loin des confettis emportés par le vent.

Quand ce patriarche à 93 ans a décidé d’aller rencontrer le général Tiani en juin dernier pour mener une médiation Niger/Bénin, malgré ma proximité intellectuelle, j’étais parmi les sceptiques, car Patrice Talon n’a pas donné son onction. La suite, on la connaît. Soglo a relevé le défi.

Toujours par rapport à son optimisme, il s’est rendu à Glo Djigbé le 3 septembre dernier.
Et en la matière, Nicéphore Soglo n’a cessé de marteler quand vous l’écouter : « Le développement du Bénin et celui de l’Afrique passent par l’agriculture et la transformation sur le plan local de nos produits.».

Un mois après, la Banque mondiale et le FMI, lors de leurs dernières assises annuelles, sont allés dans le même sens que Soglo.

Au cours de notre entretien, le président Soglo inversa subitement les rôles.« Titus, as-tu suivi les dernières conclusions des assises de la Banque mondiale et du FMI en dehors des questions d’orthodontie financière? ».

Par déférence, je ne pouvais pas lui dire que : « Excellence, depuis 27 ans, c’est le petit que je suis, qui interroge les grands de ce monde, surtout quand je suis dans l’exercice de mon métier, mais pas l’inverse…». Sourire.

J’ai dû renoncer, car avec Nicéphore Soglo, il faut lui démontrer que vous suivez l’actualité pour ne pas être rétrogradé sur les strates.

« Excellence, il y a eu deux décisions très importantes au dernier rendez-vous de la Banque mondiale et du FMI. Il s’agit de l’emploi des jeunes et l’avenir de l’agriculture dans le monde…», dis-je avec un brin de fierté à l’ex technocrate de la Banque mondiale en territoire conquis.

Et à Nicéphore Soglo de dire : « C’est bien. Un journaliste comme toi doit suivre l’actualité…».

Immédiatement, il enclenche : « Depuis 60 ans, j’ai toujours martelé que l’agriculture est le moteur du développement. La Banque mondiale vient de l’inscrire dans le marbre.».

Loin d’avoir été un théoricien, pour rappel, Nicéphore Soglo, durant cinq ans (1991-1996), quand il avait les rênes du Bénin, il avait su impulser une dynamique à de nombreuses filières agricoles dont celle du coton.

Avec ce premier marqueur, Nicéphore Soglo a encore marqué l’histoire avec cette sorte d’idéal, de doxa.

 

AU CŒUR COMME UN POIDS D’HÉLIUM…

Ensuite, on retiendra de Soglo, son don de soi aux plus faibles. Durant un an, il a continué d’être à l’écoute de ceux qui sont vulnérables.

En effet, quand vous rencontrez et écoutez Soglo : « Sur quoi peut-on fonder notre unité.», répète-t-il.

En effet, dans ce monde avec ses stratégies calculées de type à formuler la mise à l’écart des faibles, Nicéphore Soglo est toujours loin des concepts ennuyeux, sulfatés et subalternes s’agissant des vulnérables.

Si avant Nicéphore Soglo menait ce combat avec son épouse Rosine Soglo, depuis que celle-ci est dans les cèdres de l’Orient, il se retrouve désormais seul au front dans les couloirs d’orphelinats et d’autres centres où on peut redonner l’espoir aux désespérés.

À tout ce beau monde, Nicéphore Soglo accompagne sans être dans une dynamique politique de service.

Son idéal de porter les plus faibles transcende avec les micro unités politiques spontanées. Pour lui, l’attention aux plus vulnérables doit servir de passerelles pour les générations présentes et futures.

Comment finir cet entretien et ne pas évoquer 2026 à l’horizon ? « Excellence, 2025 précède 2026, une année spécialement électorale…».

Nicéphore Soglo répond et conclut : « Si les institutions internationales disent que le développement passe par l’agriculture, nous devons travailler. Mieux, quand on travaille dans la paix, inéluctablement, les conditions sont optimales pour nous développer. En 2025 et en 2026, nous travaillerons dans la paix pour aller vers la terre promise.».

Site lafriqueenmarche du 29 novembre 2024 No 777.

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