Pour retrouver la 1ère place du classement africain relatif au PIB, Bola Tinubu, le président du Nigeria est prêt à tout. Désormais, son pays va calculer son PIB en intégrant des secteurs de l’informel.
« Au titre du classement des puissances économiques africaines 2024, l’Afrique du Sud a ravi la tête au Nigeria, qui est aujourd’hui au 4 ème rang. L’ Égypte est 2 ème, l’Algérie est 3 ème et l’Éthiopie occupe la 5 ème place.», explique Bola Houseni, économiste et spécialiste d’organismes publics pour planter le décor.
Son regard nous permet de comprendre la portée de la récente décision du gouvernement nigérian de revoir les secteurs qui intègrent le PIB.
Il poursuit et nous rappelle la substance de la décision gouvernementale : « Pour calculer le Produit intérieur brut (PIB), le Nigeria va intégrer le secteur informel dans ses indices économiques y compris les activités illégales comme le trafic de drogue et le travail de sexe…».
PARTISANS D’UNE TELLE THÈSE…
Suite à cette décision, des spécialistes et politiques se succèdent pour cautionner cette décision. Parmi eux, Adeoti Maliki, spécialiste en conseils aux banques centrales et institutions financières.
Pour lui, cette décision d’intégrer dans le calcul d’indices du Produit intérieur brut est normale : « C’est une façon de s’appuyer sur une richesse encore inexploitée et de dynamiser la croissance de notre pays.».
En soutenant cette thèse : « Cet élargissement statistique, permettra d’exploiter l’immense potentiel de l’économie informelle pour élargir au bénéfice de ceux qui le font vivre.». Il poursuit : « Il faut valoriser le travail des artisans, commerçants et autres petits prestataires de services…».
« Ignorer les activités illégales ou cachées, qui incluent des activités telles que le trafic de drogue et la prostitution au Nigeria est une erreur. Il faut désormais les prendre en compte dans le calcul du PIB. Au Nigeria, on ne doit plus ignorer l’accès au filet de sécurité.», dit-il pour conclure.
Spécialiste en économie monétaire, Stephen Dula soutient aussi cette décision et met en avant son argumentation : « Il faut saluer tout ce qui est fait en un temps record pour concrétiser cette décision. Je mets un accent particulier sur le Fonds fiduciaire d’assurance sociale du Nigeria (NSITF). La Sécurité sociale du pays, a annoncé le 9 janvier avoir élaboré un programme visant à intégrer ce secteur informel dans le régime d’indemnisation des salariés. C’est un grand pas.».
«Je suis pour cette décision qui donne de la valeur à notre Produit intérieur brut. Il faut un PIB inclusif qui met en exergue dans ce savant calcul, le travail des artisans…»
…RIRE EN COIN, APRÈS PIB, LE CLASSEMENT FIFA ?
Cette décision a de nombreux détracteurs, qui contestent cette vision du gouvernement. Pour eux, le PIB répond à des critères bien définis sur le plan international.
« Vouloir inclure les activités illégales dans le Produit intérieur brut (PIB) du Nigeria est une bêtise. Cette décision est comme si on nous demande de marcher sur la tête…», dit avec consternation Mahamadu Azikiwe, économiste et spécialiste de changements sociétaux et technologiques.
Il continue : « Au Nigeria, on doit se prendre au sérieux. Comptabiliser la prostitution, le trafic de drogue, et bientôt la pollution de l’air, la publicité pour le tabac…pour calculer le PIB, est une décision inqualifiable. On ne peut accepter cette décision. Le monde entier va se moquer de nous.».
« Si on est 4 ème et qu’on veut retrouver la 1ère place, ne soyons pas ridicule. Donc bientôt, on va intégrer le système de sécurité pour protéger les habitations,
le coût des prisons, l’immensité des forêts, le nombre de voitures de police blindées destinées à réprimer des émeutes dans nos villes…Cette décision est inacceptable.», insiste-t-il encore.
« On est d’accord pour le programme de réduction de la pauvreté du gouvernement fédéral. Cependant, l’ élargissement statistique d’exploiter l’immense potentiel de l’économie informelle pour faire gagner des points au PIB est une sorte de tricherie…», dit-il pour boucler son commentaire.
Sans ambages, l’économiste et spécialiste du secteur privé crie au scandale: « C’est une tricherie si le Nigeria calcule autrement son PIB. Bientôt, le Nigeria fera-t-il bande à part pour calculer son classement mondial de la Fifa?»
Il s’indigne et propose :« Pour redevenir 1ère puissance africaine, il faut que le Nigeria compte sur son sous-sol riche en ressources naturelles parmi lesquelles le pétrole et le gaz, qui constituent les principales sources de revenus du pays. Hormis l’or noir, le Nigeria doit miser sur ces métaux comme l’étain, le fer, le plomb, le zinc…On doit également compter sur l’agriculture, car notre pays dispose de vastes terres…».
«On doit travailler davantage pour revenir à la 1ère place. », déclare-t-il pour finir.
Pour rappel, alors que l’inflation et la paupérisation plombent la population, le gouvernement du Nigeria a cru devoir recourir à cette démarche pour une remontée au classement du PIB.
Wilfried GBÊGAN correspondant au Nigeria
Site lafriqueenmarche du 27 janvier 2025 No 819