La Chronique de Boucar DIOUF depuis le Canada
(…) Nous avons une grande chance de vivre au Québec, une société qui, sans être parfaite, est la plus solidaire en Amérique. Pour ceux qui en doutent encore, je recommande de relire ma longue chronique intitulée « Exception ou miracle québécois ».
C’est lorsqu’on regarde ce qui se passe aux États-Unis où une personne qui possède 400 milliards (Elon Musk pour ne pas le citer), sera bientôt chargée de réduire le gagne-pain des masses laborieuses qu’on comprend l’importance de vivre dans une société un peu plus solidaire.
Dans ce grand pays que les inégalités économiques mènent inévitablement vers la catastrophe, Elon Musk, qui possède suffisamment d’argent pour vivre pendant 10 000 ans, sera chargé de traquer les postes qu’il juge superflus dans l’administration et de les abolir ?
Le comble de l’indécence, c’est d’entendre l’homme le plus riche au monde parler de dépenses superflues pour désigner des salaires qu’on paye à de simples fonctionnaires pour qu’ils puissent combler les besoins essentiels de leur famille.
…UN CANADA PEU ENCLIN À ÊTRE SOUS LA TUTELLE DES USA
L’Amérique est le pays où on trouve le meilleur et le pire. Entre les deux extrêmes, il y a le cannibalisme économique.
Est-ce que le Canada a vraiment envie de faire partie du pays le plus riche, le plus inégalitaire, le plus violent et le moins en santé du G7 ?
Aussi, avec un des pires systèmes d’éducation publique du monde occidental, les États-Unis sont un pays gangréné par l’ignorance et l’inculture. Je suis même certain que beaucoup d’Américains qui applaudissent Donald Trump lorsqu’il communique ironiquement son idée d’annexion ne peuvent pas situer le Canada sur une carte.
Les États-Unis sont un beau pays riche dont l’emballage cache beaucoup de laideurs, une Nation qui sait embellir et glorifier sa richesse avec des mots savants et des statistiques qui ne signifient absolument rien pour les damnés qui y mènent une vie de grosse misère.
Si on place Elon Musk avec sa fortune estimée à 400 milliards au centre des 653 100 personnes sans-abri dénombrées au pays en 2024, on dira que le salaire moyen de la foule est proche de 612 000 $. Voilà ce que racontent parfois ces histoires de richesse.
CANADA PAS À VENDRE…
Les notions comme l’équilibre budgétaire, le produit intérieur brut, la croissance économique, la création de richesse, le salaire moyen ont beau représenter des indicateurs régulièrement brandis par les politiciens, ils ne racontent qu’une partie de la réalité sociale d’une nation. Un exemple, même si le salaire moyen du Québec rattrape celui de l’Ontario au grand bonheur de M. Legault, ce chiffre ne raconte pas l’augmentation vertigineuse des demandes d’aide alimentaire, l’énorme crise de l’itinérance et celle du logement qui font les manchettes. Le directeur général des Banques alimentaires du Québec (BAQ), Martin Munger, nous a appris, fin octobre 2024, que depuis trois ans, on compte 1 million de demandes d’aide alimentaire supplémentaires chaque mois. Ce qui veut dire concrètement que le modèle solidaire québécois dont je parlais plus haut craque de toute part.
En 1968, malgré son jeune âge, Robert Kennedy a prononcé sur le sujet des paroles devenues bien célèbres. Une sagesse qui mérite d’être rappelée à tous les décideurs politiques qui ne comprennent pas que la concentration des richesses entre les mains d’une toute petite minorité est une marche sociétale vers l’autodestruction. Il avait dit : « Notre PIB inclut aussi la pollution de l’air, la publicité pour le tabac, les systèmes de sécurité qu’on installe pour protéger les habitations, le coût des prisons où on enferme ceux qui réussissent à les forcer, la destruction des forêts, la production du napalm, des armes nucléaires et des voitures de police blindées destinées à réprimer des émeutes dans nos villes, ainsi que les émissions de télévision qui glorifient la violence dans le but de vendre les jouets correspondants à nos enfants. Mais dans ce savant calcul du PIB, on ne tient jamais compte de la santé de nos enfants, de la qualité de leur instruction ni de la gaieté de leurs jeux. Le PIB ne mesure pas la beauté de notre poésie, la solidité de nos mariages, la qualité de nos débats politiques, l’intégrité de nos représentants, notre sens de la compassion et du dévouement envers notre pays. Le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. ».
Ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue, c’est la famille, la santé, l’amour et la solidarité avec les moins chanceux. C’est pour ça qu’au-delà de l’économie à tout crin, le bonheur d’un pays s’évalue aussi par son indice de solidarité et sa croissance inclusive.
Sur ce point, le Canada gagne à préserver sa supériorité écrasante sur les États-Unis. C’est aussi cet indice de solidarité plus élevé ici qui explique le privilège que nous avons au Québec et un peu partout au Canada de dormir dans une maison avec nos enfants sans craindre que quelqu’un fracasse la porte et y entre avec un fusil.
N’en déplaise à tous les fanatiques libertariens américains et autres adeptes du cannibalisme économique qui assimilent le modèle canadien, si imparfait soit-il, à du socialisme, une société pacifique se construit en ralentissant parfois pour ménager ceux qui ont vieilli ou ont hérité de lourds bagages de vie les empêchant de suivre la cadence. Elle se construit en demandant aux plus fortunés de payer leur part du fardeau fiscal pour garnir le panier de services pour tous. (…)
Site lafriqueenmarche du 19 janvier 2025 No 814