L'Editorial de Titus FOLLY
Joël Aïvo est loin de nous depuis 2021. Ce 15 avril, la domestication carcérale de cet intellectuel inégalé fera quatre ans. Au pèlerinage de cette année, et dans l'exercice de L'Editorial du jour, et si on méditait encore sa citation devenue célèbre et laissée à la postérité lors de son procès en décembre 2021: « La démocratie, c'est la sécurité et la sûreté pour nous tous...»?
À l'entame de l'exercice du jour, inclinons-nous d'abord pour saluer la mémoire d'un très proche de Joël Aïvo. En effet, malgré la distance et la situation carcérale de l'icône du droit constitutionnel beninois, Joël Aïvo est en deuil. Il a perdu un aîné dans la haute sphère du droit constitutionnel en Afrique.
Il s'agit de Mamadou Badio Camara, président du Conseil constitutionnel du Sénégal. Il a rendu l'âme le 10 avril dernier à Dakar à 73 ans.
Avant son incarcération, Joël Aïvo et le disparu étaient très proches. Ces deux pivots d'une grande intelligence en droit constitutionnel avaient en commun une maîtrise avérée comme une sorte de breuvage de leur pain quotidien.
À titre de rappel, Mamadou Badio Camara, en tant que président du Conseil constitutionnel du Sénégal, a dégonflé facilement en février 2024, les ballons de baudruche de l'ex président sénégalais, Macky Sall. Par deux arrêts sublimes, il l'a congédié à aller cultiver un autre jardin et à respecter la Constitution de son pays.
...CAMARA ET AÏVO, DES AVANT-GARDISTES
En effet, après la 1ère décision du Conseil contre le report de la présidentielle, un confrère sénégalais qui connaissait très bien la fontaine cognitive de Aïvo et de Camara me disait : « Titus, en lisant cette décision, j'ai l'impression que Joël Aïvo depuis sa cellule et Badio Camara depuis son bureau ont échangé en esprit...». J'ai éclaté de rire comme jamais.
Mon confrère ne faisait pas de l'hyperbole. Dans ces deux décisions du Conseil sénégalais, il y avait du "Aïvo sans Aïvo". Il ne peut en être autrement, car le droit constitutionnel est une science sous toutes les latitudes. À moins que...
Joël Aïvo et Badio Camara, ni pistoniers ni imposteurs comme certains, ont toujours valoriser les circonvolutions du droit constitutionnel. Ils n'ont jamais cherché à s'éclipser pour une autre jouissance.
En dépit de sa promotion par Macky Sall en 2022, feu Badio Camara n'a pas tergiversé sur les fondamentaux du mandat présidentiel : « Cinq ans, c'est cinq ans.». La suite on la connait.
Contrairement à eux, on a des champions de la facilité et de la gloire à bon marché. Contrairement à ces deux, on a ceux qui piaffent et vocifèrent, persuadés de faire autre chose pour torpiller la puissance du droit constitutionnel.
Par son dévouement à la cause du droit constitutionnel, Badio Camara fut un champion indomptable de la démocratie.
En disant : « NON » à Macky Sall, il a su brillamment avoir son titre de noblesse avant sa mort. Le reste, en dehors des convenances habituelles, maintenant qu'il est dans les cèdres de l'Orient, n'est que du bonus. Que Allah l'accueille donc.
Quant à Joël Aïvo, il avait déjà des colonnes d'apothéose en droit constitutionnel avant son incarcération. Les Béninois sont convaincus que dès sa libération, il va encore écrire de très belles pages de cette discipline où il règne depuis quelques années en maître incontesté.
Revenons à cet attrait lors de son procès en décembre 2021. Aïvo, revêtu de magnificence, lui déjà exceptionnel en prestance, n'a pas manqué ce rendez-vous.
UNE CITATION POUR ARTICULER NOTRE COMMUNAUTÉ DE DESTINS...
Ce jour-là, il a bariolé tous les sanctuaires d'injustice et d'arbitraire qui font la démocratie périssable. Révisions ci-dessous cette citation.
«Madame la Présidente,
Messieurs les assesseurs,
Il ne revient pas à la justice criminelle d'arbitrer les adversités politiques.
(...) *j'aimerais vous faire remarquer que seule la démocratie est éternelle. On peut en sortir mais croyez-moi, on y revient toujours.*
*La démocratie, c’est la sécurité et la sûreté pour tous.*
Hors de la démocratie, c’est l’aventure pour nous tous. Aujourd’hui c’est moi, à qui le tour demain ? Pour finir Madame la Présidente, Messieurs les assesseurs, j’ai fait don de ma personne au Bénin. Vous êtes aussi des enfants de ce pays, faites de moi ce que vous voulez», a-t-il articulé avec dextérité lors de son procès, apparemment gilet de détenu, mais dans son manteau de lumière.
Avec cette citation, il a tout a été dit. Il a tout bien articulé y compris les subtilités du droit qui ne doivent pas irriguer les sous-traitants contre la démocratie.
Le président Talon a dit dans sa récente interview avec "Jeune Afrique" qu'il ne compte pas donner sa grâce à Madougou et Aïvo.
Comme en politique on ne dit : « JAMAIS », les Béninois sont convaincus de voir même après, un soleil dans un ciel bleu.
Le Bénin est totalement notre appui. Ce pays extraordinaire qui nous rassemble en paix, continuera d'oeuvrer pour notre vivre ensemble tel que toujours voulu par Joël Aïvo, même si le mal nous presse.
Que Aïvo soit là ou pas pour la présidentielle de 2026, le nouveau jour, pas loin, même fuyant ou repoussé par les ombres, nuages, plaintes et doutes, viendra...
Les Béninois en ont l'intime conviction.
lafriqueenmarche du 14 avril 2025 No 879
« La vie est belle. Et chaque jour est une vie. Prenons-la du bon côté et demain, il fera beau sur la grande route.».